Lorsque l’on évoque la conquête spatiale, on songe immédiatement aux héritiers de Gagarine et John Glenn, à Neil Armstrong et Buzz Aldrin sur la Lune, à la station Mir, aux navettes spatiales, ou encore aux petits robots qui se promènent sur Mars, au télescope spatial qui nous envoit régulièrement des cartes postales de l’infini… On pense, surtout, à la Nasa, à Cap Kennedy, à Baïkonour… C’est l’un des grands succès de « com » des deux grands acteurs historiques de la conquête spatiale que d’avoir réussi à accaparer ainsi, dans l’imaginaire collectif, l’essentiel de la mythologie et de l’iconographie spatiales. Le lancement réussi ce matin du 13 février 2012 de la nouvelle petite fusée européenne Vega offre l’occasion idéale pour corriger ce mythe, et remettre les pendules cosmiques à l’heure… Car le premier acteur spatial civil, en 2012, c’est… l’Europe. La discrète société Arianespace, qui compte une vingtaine d’actionnaires venant de dix pays, essentiellement adhérents à l’Agence spatiale européenne, l’ESA, et emploie trois cent trente personnes, lance depuis plus de trente ans ses fusées depuis le centre spatial guyanais de Kourou. Bon an mal an, Arianespace réalise près de un milliard d’euros de chiffre d’affaires, en installant sur orbite les satellites de ses clients internationaux. C’est vrai, on parle moins du marché des satellites – météo, télécommunications, imagerie, science, ressources terrestres, exploration de l’Univers – que des péripéties des touristes spatiaux à bord de la station spatiale internationale, l’ISS, pourtant, l’espace a insensiblement envahi notre vie quotidienne.
Aujourd’hui, le marché de lancement de satellites est occupé pour plus de la moitié par Arianespace qui a lancé, en chiffres ronds, 300 satellites en 30 ans…
Il est, avec le recul, fascinant et amusant de revenir sur la genèse de l’entreprise européenne, qui a été, paradoxalement, portée sur les fonts baptismaux par les… Américains, qui doivent encore aujourd’hui s’en mordre les doigts et s’arracher les cheveux… Revenons en 1980, année de la création d’Arianespace, « première société de lancement de satellites au monde » selon sa plaquette de publicité ! A l’époque, un échec assuré, attendu, programmé, relevant, en apparence, de l’humour à répétition… Après l’échec magistral du lanceur européen Europa dans les années 1970, l’Europe en effet lance un programme de fusées, « obsolète », selon le bon mot du très inspiré administrateur de la Nasa de l’époque… Comment prendre au sérieux cette petite fusée Ariane 1, quand la Nasa, après avoir conquis la Lune, s’apprête à lancer sa révolutionnaire navette spatiale, qui promet de diviser par vingt le prix du kilogramme satellisé ?
De la vision, et un sacré courage, il en faudra aux ingénieurs européens, qui voient, en 1980, exploser leur Ariane en vol – le journal Libération titrera « Ariane : la France lance un nouveau sous-marin » tandis que, un an plus tard, le majestueux oiseau blanc de la Nasa s’envole vers les étoiles… Pourquoi tant d’opiniâtreté, de ténacité, d’entêtement, de la part des européens ?
Parce qu’ils n’ont pas le choix… Arrogants, prêts à conquérir la Galaxie, les Américains interdisent littéralement l’accès à l’espace aux Européens, en opposant des conditions drastiques, inacceptables, humiliantes, à une collaboration entre la nation qui a conquis la Lune et les bricoleurs européens qui font exploser des pétards au dessus de l’Atlantique. Mais l’espace est un enjeu stratégique, l’Europe doit acquérir à toute force sa souveraineté dans ce domaine, comme l’a compris, entre autres visionnaires, Hubert Curien, patron du CNES à l’époque. Alors Arianespace est créée, sous l’oeil amusé et méprisant de nos amis américains, qui contemplent leur avion spatial avec orgueil. Il est tellement impressionnant, le parc américain de navettes (Columbia, 1981, Challenger, 1982, Discovery, 1984, Atlantis, 1985, Endeavour, 1992) que la Nasa stoppe le développement de ses autres fusées, « obsolètes », tout comme la petite Ariane européenne. Ils ne s’inquiètent pas quand la navette, bien plus fragile que prévu, vole moins souvent qu’attendu. Ils ne s’inquiètent pas quand le coût de chaque tir, plutôt que de baisser, augmente. Discrètement, de son côté, Arianespace cesse de faire voler des sous-marins et commence à lancer des satellites… En janvier 1986, quand la navette Challenger explose au décollage, Ariane a déjà effectué quinze vols avec succès. On connait la suite : les Américains changent brusquement de stratégie, mais trop tard ; ils abandonnent la navette aux vols habités, aussi coûteux qu’inutiles, et tentent de reprendre le marché des satellites commerciaux, en relançant la fabrication de leurs fusées classiques. Trop tard. La fiabilité des lanceurs Ariane 2, puis 3, 4 et 5, qui placent leurs charges sur orbite avec la précision et la régularité d’un métronome (dix échecs pour 228 lancements), a conquis les clients d’Arianespace. Avec le recul, l’erreur stratégique américaine – confier le lancement de petits satellites de quelques tonnes à un engin géant, piloté, apparaît incroyable.
En 2012, Arianespace dispose donc désormais de trois lanceurs pour essayer de conserver ses 50 % et plus de parts de marché… La petite dernière, Vega (30 mètres de hauteur, 136 tonnes au décollage) est capable de satelliser des satellites de 1,5 à 2,5 tonnes, en orbite basse. La fusée russe Soyouz, opérée depuis Kourou, est proposée pour les lancements de satellites de 3,1 tonnes destinés à l’orbite géostationnaire, et enfin le lanceur lourd Ariane 5 (50 mètres de hauteur, 750 tonnes au décollage) est capable de satelliser plus de vingt tonnes en orbite basse et 10 tonnes en orbite géostationnaire. Quant aux navettes spatiales américaines, on peut désormais les admirer dans différents musées spatiaux, aux Etats-Unis, où elles coulent une retraite bien méritée. Elles méritent le détour, on leur doit en grande partie le succès de l’Europe spatiale.
Ariane, Soyouz, Vega, choisissez votre fusée dans la gamme Arianespace !
jeudi 16 février 2012
Ariane, Soyouz, Vega, choisissez votre fusée dans la gamme Arianespace !:
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