Formulaire de contact

Nom

E-mail *

Message *

Fourni par Blogger.

Wikipedia

Résultats de recherche

Blog Archive

Social Icons

Protostar

Quizzu

Digital

Des mirages dans le cosmos

jeudi 16 février 2012

Des mirages dans le cosmos:
Autour de l'amas de galaxies RCS2 032727-132623 apparaissent les mirages bleutés d'une lointaine galaxie. Photo Nasa/ESA/STSCI.

Autour de l'amas de galaxies RCS2 032727-132623 apparaissent les mirages bleutés d'une lointaine galaxie. Photo Nasa/ESA/STSCI.


La semaine dernière, le STSCI (Institut scientifique du télescope spatial Hubble) a rendu publique une image extraordinaire prise avec le plus célèbre des télescopes. L’image, qui ouvre cet article, montre, autour d’un amas de galaxies lointain, un jeu délicat d’auréoles bleutées, à l’étrange symétrie. J’y reviendrai plus loin… Mais, au delà de la découverte qu’annonce le communiqué de presse du STSCI, centré sur l’image du télescope spatial, il est intéressant de remonter à la source de cette découverte, de montrer comment elle a été rendu possible, de révéler l’effort incroyable que doivent faire les astronomes aujourd’hui pour explorer l’Univers. C’est comme cela, seulement, que la photographie prise par Hubble prend tout son sens…

La clé, et l’origine, de cette histoire, c’est le nom de cet amas de galaxies : RCS2 032727-132623. RCS2 ? Red Sequence Cluster Survey n°2. 032727-132623 ? Ce sont les coordonnées, en ascension droite et en déclinaison (la longitude et la latitude, dans le ciel), de l’astre observé : désormais, le nombre d’objets célestes détectés par les télescopes est tellement énorme que les astres sont ainsi nommés, avec en en-tête, le nom du relevé scientifique ou du télescope, suivi d’un numéro, les coordonnées de l’astre, donc. Le RCS2 est un grand relevé astronomique, c’est à dire un scan complet de plusieurs régions célestes, effectué en 2008 avec le télescope franco-canadien d’Hawaï (CFHT). En deux mots, sous la houlette de l’astronome canadien Howard Yee et ses collaborateurs, le télescope de 3,6 m de diamètre, installé au sommet du volcan Mauna Kea, à Hawaï, et doté de l’une des caméras les plus puissantes du monde, Megacam et ses 325 millions de pixels, a observé systématiquement mille degrés-carrés de la surface céleste, soit le quarantième de la surface totale du ciel. L’objectif de cette observation dans un très grand champ était de photographier, de cataloguer et enfin de mesurer le plus grand nombre possible d’amas de galaxies, ces immenses agglomérations stellaires étant ici considérées comme des marqueurs cosmologiques, permettant d’étudier l’évolution cosmique depuis le big bang jusqu’à nos jours, ainsi que les paramètres cosmologiques – masse, densité, âge, accélération de l’Univers, etc. Enfin, l’un des sous-produits attendu du relevé RCS2 était la découverte de « lentilles gravitationnelles », telles que, justement, RCS2 032727-132623.

Le RCS2 a réalisé son objectif : le relevé a permis la découverte d’environ vingt mille amas de galaxies, jusqu’à une distance de l’ordre de sept milliards d’années-lumière… L’analyse des champs photographiés par le couple CFHT/Megacam est humainement impossible : Equivalent à une photographie qui compterait une centaine de milliards de pixels, le RCS2 a enregistré plusieurs centaines de millions de galaxies, perdues parmi plusieurs millions d’étoiles… C’est donc à un logiciel d’intelligence artificielle, doué pour l’astronomie, appelé PPP (Picture Processing Package), qu’a été confié la tâche pharaonique de trouver les amas galactiques et, parmi eux – oui, on y arrive – le fameux amas RCS2 032727-132623…

Cet amas de galaxies, situé à environ cinq milliards d’années-lumière de la Terre, exhibe une masse totale de plus de cent mille milliards de masses solaires. Or, on sait depuis 1915 et la publication de la théorie de la relativité générale par Albert Einstein, que l’espace-temps est déformé par les masses qu’il contient. Chaque astre de l’Univers – planète, étoile, galaxie, amas – est en quelque sorte un « puits gravitationnel » dans la trame de l’espace-temps : les rayons lumineux qui passent non loin d’un astre, quel qu’il soit, sont légèrement déviés dans leur trajectoire, ils suivent non plus une ligne droite, mais une géodésique de l’espace-temps ; en bref, leur trajectoire s’incurve en passant non loin du puits gravitationnel. Le cas extrême de cette courbure de l’espace-temps, c’est bien sûr le trou noir : le puits, ici, est sans fond, la lumière « tombe dedans », et on ne voit plus rien. Les astronomes, depuis une vingtaine d’années, mettent à profit cet extraordinaire phénomène naturel, car, comme dans l’Univers, la plupart des structures ont une symétrie sphérique, l’espace courbé autour des masses cosmiques se comporte comme une véritable lentille : il agrandit la taille de l’astre se trouvant par hasard exactement dans l’axe Terre-lentille et amplifie sa luminosité, d’un facteur pouvant atteindre 10 à 100 fois…

Dans la Voie lactée, notre galaxie, les lentilles gravitationnelles, se sont les étoiles et les planètes. C’est ainsi d’ailleurs que sont découvertes des exoplanètes : celles-ci amplifient la lumière d’étoiles situées en arrière-plan. Dans l’Univers, les lentilles peuvent être des galaxies, rarement, ou, plus fréquemment, des amas de galaxies, tel que RCS2 032727-132623.

C’est donc dans un champ céleste de la constellation de l’Eridan photographié par le télescope CFHT que l’équipe des astronomes Eva Wuyts, Felipe Barrientos et Howard Yee a découvert cet amas. Immédiatement, les chercheurs ont découvert qu’il s’agissait d’un lentille gravitationnelle : les centaines de galaxies de l’amas apparaissaient auréolées de délicats arcs bleutés : ces structures circulaires étaient en réalité les images multiples et déformées par l’amas-lentille d’une galaxie située en arrière-plan, aussitôt baptisée… RCS2 032727-132609. Restait à étudier cette dernière. L’équipe scientifique a donc convoqué quatre nouveaux télescopes, aux Etats-Unis et au Chili, pour étudier la lointaine et mystérieuse galaxie ! Et c’est finalement le Very Large Telescope européen, (VLT) doté d’un miroir géant de 8,2 m de diamètre, qui, à l’issue d’un enregistrement de plus de deux heures, a permis de mesurer précisément la distance de RCS2 032727-132609 : dix milliards d’années-lumière (z = 1,7, pour les initiés) ! C’est cette distance énorme – nous observons aujourd’hui cette galaxie telle qu’elle existait voici dix milliards d’années, c’est à dire moins de quatre milliards d’années après le big bang – qui a résolu les astronomes à demander au STSCI de pointer Hubble sur RCS2 032727-132609. Le plus célèbre instrument scientifique de toute l’histoire arrive donc après un très long travail d’approche, fondamental, mené à bien des mois durant par des centaines de chercheurs, ingénieurs, techniciens, dans cinq observatoires terrestres, Mauna Kea, Apache Point, Cerro Pachon, Las Campanas, Cerro Paranal… Si la photographie qu’il a obtenu de l’amas-lentille et de sa galaxie-image présentée ci-dessus est spectaculaire, elle ne doit pas masquer le travail de fond qui a permis la découverte de cet astre, d’un intérêt scientifique fondamental.

En effet, la galaxie RCS2 032727-132609 (ou plutôt les divers arcs lumineux qui la représentent) est désormais la plus lumineuse et la plus grande galaxie connue dans l’Univers très lointain. Sa magnitude avoisine 19, ce qui signifie qu’elle est environ vingt mille fois moins lumineuse que la plus pâle étoile visible à l’oeil nu mais que, pour les astronomes et leurs télescopes géants, elle est considérée comme « brillante ». Bien sûr, cette exceptionnelle luminosité n’est qu’apparente, c’est l’effet d’amplification de la lentille gravitationnelle qui en est responsable : l’amas-lentille amplifie vingt fois sa luminosité réelle !

Regardez bien la photographie prise par Hubble… Ce document est exceptionnel. D’abord, l’alignement géométrique entre la Terre, l’amas de galaxies et la galaxie amplifiée est d’une extraordinaire perfection : sur les quelques dizaines de milliers d’amas enregistrés par le RCS2, seuls une cinquantaine se sont révélés comme des amas lentilles… Le champ de l’image, à la distance de l’amas lentille, mesure un peu plus d’un million d’années-lumière. L’amas RCS2 032727-132623 contient des centaines de galaxies, dont Hubble parvient, ici, à percevoir quelques dizaines seulement : ce sont des galaxies elliptiques géantes, de couleur jaune : chacune d’entre elles compte cent à mille milliards d’étoiles… Au dessus et à gauche de l’amas, et en bas et à droite, apparaissent les « mirages gravitationnels », bleutés : il s’agit de quatre images, déformées, de la galaxie RCS2 032727-132609, située en réalité cinq milliards d’années-lumière derrière l’amas. La puissance de la lentille gravitationnelle est telle qu’il est possible de reconnaître une galaxie spirale, parcourue de zones de formation d’étoiles. Même si, bien sûr, l’image de la galaxie RCS2 032727-132609 est déformée, elle constitue une source d’information unique pour les astronomes. Ils connaissent déjà la distance de cette galaxie (dix milliards d’années-lumière, sa masse, dix milliards de masses solaires, sa luminosité réelle, six fois plus importante que celle de la Voie lactée… Les astronomes savent déjà qu’ils ont sous les yeux une jeune et brillante galaxie spirale, qui produit près de quatre vingt nouvelles étoiles par an, c’est à dire cent fois plus – à masse égale – que la Voie lactée aujourd’hui ! Dans les années à venir, ils étudieront précisément sa population stellaire, sa composition chimique, son évolution… Ainsi, l’association entre les plus puissants télescopes du monde et le télescope gravitationnel que constitue l’amas RCS2 032727-132623 va permettre aux astronomes d’observer, avec une précision sans précédent, l’Univers tel qu’il était dans le premier tiers de son existence.


Serge Brunier


Consultez notre galerie photo consacrée aux mirages gravitationnels photographiés par le télescope spatial Hubble.

Aucun commentaire:

 

Blogger news

Blogroll

Most Reading

Tags