C’est le nouvel eldorado astronomique et spatial : les astéroïdes, longtemps négligés par la communauté scientifique, sont devenus un enjeu majeur, voire stratégique. Du côté des astronomes, c’est la mise en oeuvre de programmes automatiques de recherche, qui a permis à ce jour la découverte de près de 600 000 de ces blocs rocheux de taille métrique ou kilomètrique dans le système solaire. Objectif : repérer tous les objets potentiellement dangereux pour la Terre. Du côté de la conquête spatiale, c’est le lancement, ces dernières années, d’un grand nombre de missions vers ces petits objets jusqu’ici délaissés. Ces missions permettent de mieux comprendre la filiation poussières interplanétaires-comètes-astéroïdes-satellites-planètes, avec au final l’espoir de reconstituer la naissance et l’évolution du système solaire. L’engouement pour les astéroïdes est tel que même les astronautes, depuis peu, rêvent de partir à la conquête de cette multitude d’astres, situés majoritairement entre la Terre et Jupiter.
Cet intérêt généralisé pour les astéroïdes ne doit rien au hasard. En effet, nous assistons actuellement à la seconde vague d’exploration du système solaire. Lancée après l’exploit unique des astronautes américains et leur visite de la Lune, entre 1969 et 1972, une armada de sondes spatiales est partie aux quatre coins du système solaire. Toutes les planètes – Mercure, Vénus, Mars, Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune, et leurs satellites, ont été visités par les sondes américaines, avec dans quelques cas un coup de main soviétique et européen. Aujourd’hui, ce sont les petits astres du système solaire, comètes et astéroïdes, qui passionnent les planétologues. Près d’une dizaine d’astéroïdes (Gaspra, Ida, Dactyl, Eros, Mathilde, Annefranck, Braille, Steins, Itokawa, Lutetia…) ont déjà reçu la visite de sondes américaines, japonaise et européenne (Galileo, Stardust, Near, Deep Space One, Hayabusa, Rosetta), et deux sondes de la Nasa, News Horizon et Dawn, s’approchent actuellement de Pluton, Vesta et Cérès.
Et ce n’est pas fini ! La Nasa vient d’annoncer le lancement officiel du projet Osiris, une sonde qui devrait décoller en 2016 en direction d’un astéroïde qui n’a pas encore été baptisé, 1999 RQ 36. Ce gros rocher de 500 mètres environ sera atteint par Osiris en 2018. La sonde récoltera de la poussière à sa surface et la rapportera sur Terre, si tout va bien, en 2023. Enfin, l’Agence spatiale européenne (ESA) projette de son côté une mission d’étude des astéroïdes, baptisée don Quijote.
Cet engouement scientifique explique t-il l’intérêt nouveau et soudain de la communauté des astronautes, dont le nouvel objectif est désormais la visite des astéroïdes ? Oui et non… Avec l’annulation du programme Constellation, qui visait à la reconquête – un demi siècle après le programme Apollo – de la Lune, les astronautes se retrouvent en effet sans destination, mis à part la pharaonique et majestueuse Station spatiale internationale (ISS) qui vogue dans l’espace à… 400 kilomètres au dessus des nuages. Ni la Lune – jugée « has been » – par le Président Obama, ni la planète Mars – inaccessible avec les technologies et les budgets actuels – ne seront visées par la Nasa dans un avenir prévisible. Ce sont donc vers les astéroïdes proches que se tournent désormais les astronautes américains. Pour eux, les astéroïdes sont donc une cible d’opportunité : l’état de l’astronautique mondiale ne leur permet pas de rêver plus haut. Un clin d’oeil du calendrier a voulu que l’annonce du lancement du projet Osiris ait été faite, à quelques heures près, avec l’annonce en fanfare du lancement d’Orion, le futur vaisseau spatial américain, qui doit remplacer la navette spatiale à la retraite cette année. Orion est une capsule Apollo modernisée, offrant quatre places au lieu de trois, et assurant trois semaines d’autonomie aux astronautes dans le volume… d’une salle de bain… Cette nouvelle capsule augure bien mal du futur de l’exploration humaine du cosmos. En fait, Orion est un élément rescapé du défunt programme Constellation, qui a englouti des milliards de dollars avant d’être annulé. Le problème, c’est que cette capsule a été conçue pour se diriger confortablement vers… la station spatiale internationale qui se trouve à 400 km d’ici et la Lune, située à une journée ou deux de voyage ! A l’évidence, ce « vaisseau spatial » ne pourra pas être utilisé pour un voyage vers un très proche astéroïde, qui exigerait, pour l’aller-retour, environ douze mois… L’administration américaine ne semble pas savoir où elle veut envoyer ses astronautes, certains commentateurs se demandant même si ce ne sont pas des vols habités, que, lentement mais sûrement, l’Amérique se désengage… Il est vrai que l’on peine à imaginer quelle plus-value apporterait un équipage humain pour l’exploration d’un corps céleste de quelques centaines de mètres ou de quelques kilomètres, quand les robots actuels sont capables pour un prix équivalent au millième de celui d’un programme spatial habité, de scanner dans toutes les gammes de longueur d’onde la surface d’un tel astre et d’y prélever des échantillons, avant de les ramener sur Terre pour y être étudiés par les planétologues, les chimistes et les physiciens. Ironiquement, les astéroïdes, presque complètement démunis de champ de gravité, interdisent pratiquement le déplacement humain à leur surface : les missions humaines imaginées par la Nasa envisagent de laisser les astronautes en orbite autour des astéroïdes et d’envoyer à leur surface des engins robotisés !
On comprend mieux pourquoi, plus d’un an après l’abandon du projet de retour sur la Lune, la Nasa n’a aucun objectif sérieux pour ses équipages. Au delà du discours prophétique et convenu donné devant les acteurs aérospatiaux « l’objectif final, c’est Mars, nous allons installer une base sur la Lune, nous allons explorer les astéroïdes » etc, force est de constater que les astronautes américains et leurs camarades européens et russes n’ont actuellement, pour réaliser leurs rêves de conquête du système solaire, qu’un projet de capsule mal né, pas de fusée pour les transporter et, devant eux, une armada de sondes spatiales qui va continuer sans état d’âme l’une des plus prodigieuses aventures humaines : l’exploration de l’Univers.
Serge Brunier
Post Scriptum : Un astéroïde, 2011 MD, vient justement nous rendre visite ce lundi 27 juin. Ce rocher d’une quinzaine de mètres va frôler la Terre à seulement 12 000 kilomètres de distance. L’astéroïde 2011 MD a été découvert voici quelques jours par l’équipe américaine de Linear, un télescope de recherche automatique installé au Nouveau-Mexique. Cet objet ne fait courir aucun risque aux terriens. D’une part, les astronomes ont donc calculé qu’il allait passer à une distance correspondant au diamètre de notre planète, d’autre part, même s’il était sur une trajectoire de collision, il serait détruit presque entièrement en traversant l’atmosphère terrestre. Notons que l’astéroïde 2011 CQ 1 est passé encore plus près de nous, 5500 kilomètres seulement, en février dernier.
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