Jacques II, fils de l'infortuné Charles I et de Henriette fille de Henri IV, avait succédé à son frère Charles II en 1685. L'extrême indifférence de Charles sur toutes les religions n'avait pas peu contribué à le faire régner paisiblement en Angleterre. Jacques au contraire, attaché depuis sa jeunesse à la communion romaine par persuasion, joignait à sa croyance un trop grand esprit de parti et de zèle. Dans le dessein de ramener tous ses sujets à l'unité du Saint-Siège, il s'y prit si maladroitement, qu'il ne fit que révolter tous les esprits. Il agit d'abord comme s'il fût venu à bout de ce qu'il avait envie de faire ; ayant publiquement à sa cour un nonce du pape ; mettant en prison sept évêques anglicans, qu'il aurait pu gagner ; renversant avec hauteur des lois qu'il fallait saper en silence ; enfin, se conduisant avec si peu de ménagement, que les cardinaux de Rome disaient en plaisantant : qu'il fallait l'excommunier comme un homme qui allait perdre le peu de catholicisme qui restait en Angleterre.
Les principaux membres du parlement se réunirent en secret contre les dessin du roi : ils disputèrent vers le prince d'Orange, Guillaume III de Nassau, gendre de Jacques II. Leur conspiration fut tramée avec une prudence et un secret qui endormirent la cour.
Le prince d'Orange équipa une flotte, en faisant publier que cette armement était destiné contre la France. Louis XIV n'y fut pas trompé ; il offrit des secours à son allié, qui les refusa d'abord avec sécurité, et les demanda ensuite quand il n'était plus temps, et que la flotte du prince, son gendre, était à la voile. Tout lui manqua à la fois, comme il se manqua à lui-même. Il écrivit en vain à l'empereur Léopold, qui lui répondit : Il ne vous est arrivé que ce que nous avions prédit. Il comptait sur sa flotte, mais ses vaisseaux laissèrent passer ceux de son ennemi. Il pouvait au moins se défendre sur terre, il avait une armée de vingt mille hommes, et s'il les avait menés au combat sans leur donner le temps de la réflexion, ils eussent combattu ; mais il leur laissa le loisir de se déterminer. Plusieurs officiers généraux l'abandonnèrent, entre autres ce fameux Churchil, si illustre sous le nom de Marlborough : il était favori de Jacques, sa créature, le frère de sa maîtresse, son lieutenant général dans l'armée. Le prince de Danemark, frère de Jacques ; enfin sa propre fille, la princesse Anne (depuis reine d'Angleterre), l'abandonnèrent aussi.
Alors l'infortuné monarque, attaqué et poursuivi par un de ses gendres, quitté par l'autre, ayant contre lui ses deux filles, ses propres amis, haï d'une partie de ses sujets, désespéra de sa fortune ; la fuite, dernière ressource d'un prince vaincu, fut le parti qu'il prit sans combattre. Après avoir été arrêté dans sa fuite par la populace, maltraité par elle, reconduit à Londres ; après avoir reçu paisiblement les ordres du prince d'orange, dans son propre palais ; après avoir vu sa garde relevée, sans coup férir par celle du prince ; prisonnier à Rochester, il profita de la liberté qu'on lui donnait d'abandonner son royaume, et alla chercher un asile en France.
Ce fut alors que la nation anglaise, représentée par son parlement, fixa les bornes si longtemps contestées des droits du roi et de ceux du peuple ; et ayant prescrit au prince d'Orange, les conditions auxquelles il devait régner, elle le choisit pour son roi, conjointement avec sa femme Marie, fille du roi Jacques. Dès lors ce prince ne fut plus connu dans la plus grande partie de l'Europe, que sous le nom de Guillaume III, roi légitime d'Angleterre, et libérateur de la nation ; mais en France, il ne fut regardé que comme le prince d'Orange, usurpateur des Etats de son beau-père.
Le roi fugitif vint avec sa femme et le prince de Galles, encore enfant, implorer la protection de Louis XIV. Ce grand monarque le reçut à Saint-Germain avec une magnificence vraiment royale ; il lui donna bientôt des flottes et des armées pour reconquérir ses États ; mais la conduite toujours faible et imprudente du roi détrôné, rendit tous ces grands secours inutiles.
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